❝nous sommes désolés, mais...❞ tu n'attends pas qu'il finisse. tu sors. le sourire qui, il y a quelques minutes, bourgeonnait sur la courbe de tes lèvres, laisse place à une mine décomposée. tu n'aurais jamais dû venir à cette foutue audition. tes amies t'y ont inscrite à ton insu. & tu t'es dit pourquoi pas. ne dit-on pas que la fortune sourit aux audacieux? audacia fortuna juvat, ou une connerie du genre... celui qui a dit ça devait surement avoir des putains de pistons. il avait surement les moyens de se payer une école de danse. il ne devait surement pas travailler pour faire vivre des gamins dont la mère n'était pas capable de s'occuper. il n'avait surement pas dû laissé tomber l'université. surtout, il ne devait surement pas venir du bas de l'échelle, contrairement à toi. les gens comme toi n'ont pas le droit d’espérer. t'es au bout du gouffre, jude. t'es au bout du gouffre & t'y restera. t'as donné tout ce que t'avais. t'y as mis ton coeur. & c'était pas suffisant. ça t'apprendra à rêver, petite. t'es énervée contre toi même. t'aurais jamais dû y croire. mauvaise perdante. tu ne supportes pas l'échec. tu viens d'en essuyer un bien beau en devant arrêter te études. tu n'es pas prête à devoir faire face à celui là. ça te prend les tripes de te retrouver dans cette situation. ton téléphone commence à s’exciter dans ce sac aussi cher qu’il est peu pratique. ça appelle, ça texte, ça whatsapp. tu ne réponds à personne. tu n'as pas envie d'avoir à annoncer ton naufrage aux autres. ceux qui comptent comprendront ce que ton silence signifie. dès que tu arrives sur le seuil de l'énorme bâtisse, tu allumes une clope qui va te consumer, selon les dires, 3 minutes d’espérance de vie, tout en regardant le soleil qui tombe. puis tu rallumes ton téléphone pour trouver des potes à rejoindre et te replonger au plus vite dans un éphémère qui t’apparaît de plus en plus précaire mais qui a l’immense avantage de te faire tourner la tête et noyer tes angoisses. tu as besoin de boire. de te remplir le nez de poudre. d'aller loin de ce monde qui dégoutte. c'est beau manhattan. time square, central park, les nulding. c'est bien loin du new york que tu connais. celui où t'as grandit. manhattan et le bronx c'est deux villes différentes. & le destin veut que tu ne quittes jamais ta ville. c'est la fatalité. tu tires encore une latte, puis tu le vois. ce charme qui t'agresse les pupille. cette beauté corrosive qui t'interpelle. cette aura sans pareille qui te fascine. comme hypnotisée, tes yeux le guettent sans gêne, pas le temps pour les réflexions qui divergent, dans ton esprit s'esquisse déjà un nouveau schéma, un soudain caprice. ce regard puissant, cette allure inimitable... tu ne vois rien d'autre. y a les passants qui parlent. y a les voitures qui klaxonnent. y a les chien qui aboient. mais de bruyant, tu ne perçois que le battement douloureux de ton sang contre tes tempes et le tourbillonnement de tes pensées.

les mains au fond de tes poches, tu marches. tu marches sans but précis. tu ne sais pas où tu vas. tu penses déjà aux quantités astronomiques de psychotropes que tu vas ingurgiter pour oublier. peut-être bien qu'il existe après tout... ce déterminisme génétique dont tu craignais être la victime. tout comme ta mère, tu te défonces pour oublier. le regard vide. l'esprit tourmentée. t'es là. au milieu de time square. coincée. tes yeux qui se posent sur ce beau brun. son aura qu'il t'interpelle. son regard qui te transperce. tu ne baisses pas les yeux. tu ne connais pas la définition du mot embarras, jude. et tant bien, même tu la connaîtrais, t'as rien d'une fille qu'on intimide. intimidante, jamais intimidée. t'es comme ça. ❝T’as du feu ?❞ une voix divinement éraillée qui résonne. un hochement de tête. voilà pour l première interaction. parce que tu n'es pas dupe, jude. tu sais qu'il y en aura d'autre. tu sais comment ça va se finir. ta main se glisse dans la poche de ta veste pour en extirper l'objet de ses convoitises et le lui tendre. nuage de fumée que tu recrache. tu fais pivoter ton visage pour qu'il n'atterrisse pas sur son visage. c'est la première fois que ton regard se détourne de lui depuis qu'il est apparu dans ton champs de vision. ❝J’ai bien aimé ce que t'as proposé au théâtre tout à l’heure. ❞ sourire que tu esquisses. il était là. il t'a regardé danser. tu te sens tout de suite plus proche de lui. parce que ce que tu transmets par la danse, c'est bien plus que tout ce que tu peux transmettre pas la force des mots. tu t'apprête à le remercier mais il enchaîne. ❝T’as déjà eu une réponse de leur part ?❞ les commissures de tes lèvres qui redescendent. ton échec qui resurgit. ❝ouais... 'on est désolé mais...'.❞ tu mimes des guillemets avant de laisser échapper un rire. rire amer. rire jaune. tu n'as rien à ajouter. mauvaise perdante, tu n'as pas voulu en entendre plus. tu souffles en tirant encore une fois sur ta meurtrière. meurtrière dont tu ne sais plus te passer depuis tes seize ans. tes épaules qui se haussent lascivement. ❝merci pour le compliment.❞ au moins ça a plut à quelqu'un.